La Magie de Duraty

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La création en Magie


Amis magiciens, prenons le temps de réfléchir à la façon dont nous pourrions faire évoluer notre art. Nous sommes tous tellement concentrés sur les trucs et les techniques que nous en venons souvent à oublier l'essentiel.

J'ai publié, il y a quelques temps déja, une série de réflexions sur la création en magie. Vous les retrouverez ci-dessous.

Cet article a trouvé un écho auprès d'Ivan Laplaud qui le complète par des observations très intéressantes.

Sylvain Mirouf m'a fait parvenir son étude sur la créativité qui date de 1994, mais qui est toujours d'actualité. Il donne les méthodes qui permettent de réveiller la créativité qui sommeille en chacun de nous.


Le processus de création en Magie

par Duraty

Je voudrais vous livrer quelques réflexions personnelles à propos du processus de création en Magie.

Il est fréquent de voir annoncer des "tours nouveaux" dans les revues magiques ou dans les publicités des marchands de trucs. Qu'en est-il réellement ?

L'adjectif "nouveau" peut recouvrir des notions assez différentes que l'on peut classer en trois groupes :


Les effets nouveaux

Depuis longtemps déjà, les effets basiques ont été recensés : apparition, disparition, transformation (qui en réalité est souvent la combinaison d'une disparition et d'une apparition), réparation après destruction, modification de la taille, de la couleur ou de la matière, pénétration, lévitation, prédiction, divination, etc., etc.

Les magiciens ont une grande capacité d'adaptation. Ils ont tout naturellement utilisé les objets en usage à leur époque. Par exemple, au temps des bougies, ils ont fait des tours avec des bougies. Lorsqu'elles ont été remplacées par les lampes à pétrole ils ont fait apparaître et disparaître des lampes à pétrole et dès la généralisation de l'éclairage électrique, ils ont inventé des tours utilisant des ampoules électriques...

Le fait d'appliquer un effet basique à un objet nouveau constitue-il vraiment un tour nouveau ? Peut-être pour le public. Mais les magiciens possédant une bonne expérience n'y verront en général qu'une déclinaison de principes classiques.

D'autre part, il semble qu'aujourd'hui ont ait fait le tour des effets basiques. Espérons que de nouveaux chercheurs élargiront encore notre patrimoine déjà très riche. Ce fut le cas avec la "femme zigzag" et la "canne volante", pour ne citer que deux tours qui ont marqué la seconde moitié du siècle qui vient de s'écouler. Plus près de nous, la vogue des effets de feu a déferlé et un bon nombre de magiciens en ont ajouté à leur répertoire. En close-up, les tours de lévitation ou d'animation d'objets sont devenus incontournables.

La prolifération des routines pose un autre problème. Pour certains, créer une routine consiste à accumuler toutes les passes connues pour un type d'objet ( anneaux, cordes, boules, etc. ). Il en résulte une répétition indigeste des mêmes effets. Ce n'est plus une routine, mais un catalogue de manipulations qui ennuiera rapidement les spectateurs.

Organiser une routine, c'est sélectionner les passes les plus fonctionnelles, les plus efficaces au service d'un scénario bien construit avec une progression dramatique jusqu'au crescendo final.

Est-il vraiment utile de couper et de réparer une corde trois fois de suite ? Seuls les initiés apprécieront la technique.

N'oublions jamais qu'en magie l'un des principaux ressorts du succès est l'effet de surprise.

Il en va de même pour les tours de cartes. Pourquoi tant de tours et de routines publiées ? Simplement parce qu'il suffit de connaître quelques manipulations et de les combiner pour proclamer que l'on a "créé" ( ? ) un tour nouveau ! Mais dans la plupart des cas, l'effet pour le public n'aura rien de nouveau. Ce sera simplement une variation sur un air connu.

A titre d'exemple, " L'huile et l'eau ", " la carte folle ", " l'empalmage invisible ", " les cannibales "... pour ne citer que ces quelques tours constituèrent des thèmes nouveaux lors de leur création et chaque cartomane se fit un devoir de proposer sa version personnelle. En réalité, ils sont composés d'effets classiques, apparition, disparition, transposition, etc., organisés pour illustrer une histoire intéressante.

Les bonnes questions que doivent se poser les créateurs de tours sont les suivantes:

- l'effet est-il réellement différent des effets connus à ce jour ?

- le thème est-il intéressant pour le public ?

- L'effet est-il net et spectaculaire ?

- L'effet est-il surprenant ? c'est-à-dire inattendu.

- Les objets utilisés sont-ils de notre époque ?

- Le processus est-il bien dissimulé ?


Des méthodes nouvelles

La créativité peut s'exercer sur les techniques et les méthodes qui permettent de réaliser plus facilement des effets classiques.

Si des manipulations demandant des mois d'efforts peuvent être remplacées par une manipulation plus facile ou par un trucage astucieux, pourquoi s'en priver ? Pour le public seul l'effet compte.

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ! Mais attention aux fausses améliorations qui altèrent la clarté du tour et qui finalement compliquent sa réalisation. Beaucoup de soi-disant perfectionnements ne valent pas la méthode originale.

Il arrive également qu'une méthode nouvelle réduise l'effet d'un tour classique. Prenons l'exemple de la "boule zombie" ( inventée en 1943 par Joe Karson ). On a beaucoup gagné en commodité, le tour peut être présenté en scène, en cabaret, en salon sans aucune préparation scénique, ce qui n'était pas le cas de la "boule volante" d'Okito. En revanche les déplacements de la boule dans l'espace sont limités et il faut tout le talent d'un mime pour donner l'illusion que la boule est indépendante de l'artiste.

On a l'habitude de dire que plus l'exécution du tour sera facile, plus le magicien pourra se consacrer à sa présentation.

L'inconvénient c'est que si son exécution est réellement à la portée de tous, il risque de tomber rapidement dans le domaine public. On risque même de retrouver le tour dans les mallettes destinées aux enfants !

Cette recherche de facilité a donc ses limites. Un bagage minimum est indispensable et on se passera difficilement des techniques de base. On imagine mal un cartomane incapable de faire un empalmage, une levée double ou un comptage Elmsley... Outre la satisfaction personnelle de maîtriser des manipulations secrètes, l'impossibilité pour un profane de reproduire le tour constitue une sécurité appréciable.

N'oublions pas les effets pervers de la recherche de perfectionnements à tout prix. Il peut arriver que le mode d'exécution du tour soit plus intéressant que l'effet sur le public. Phénomène souvent observé lors des conférences; on est alors séduit par l'ingéniosité du processus et l'on oublie l'objectif magique.


De nouveaux emballages

La troisième voie ouverte à la créativité est celle de la présentation.

Des tours anciens, très classiques peuvent retrouver une nouvelle jeunesse grâce à un "habillage" nouveau.

Le répertoire magique est vaste. Il suffit d'explorer les livres et les magazines anciens pour s'en convaincre. Des centaines de tours oubliés passeront pour des nouveautés après un habile "dépoussiérage". Et la mise au goût du jour peut s'appliquer aussi bien aux tours parlés qu'aux tours muets.

La plupart des tours ont un point faible, un moment crucial où l'on doit exécuter une manipulation secrète, une prise ou un dépôt. Une présentation originale ou amusante peut créer le détournement d'attention indispensable pour couvrir cette action.

Travailler la présentation pour dissimuler la technique sera toujours un investissement productif.

Les tours qui touchent le public sont ceux qui font appel à l'affectivité plutôt qu'à l'intelligence.

Quels sont les thèmes les plus attrayants et les plus implicants ?

Sans aucun doute l'argent, le sexe, le danger, la dérision et les problèmes d'actualité, notamment tout ce qui concerne les personnalités du spectacle et de la politique.

Plus le sujet est grave, plus il devra être traité avec légèreté et humour sans méchanceté ni parti pris.


Conclusion

Il est dans la nature humaine de toujours rechercher du nouveau et de vouloir posséder tout ce qui apparaît sur le marché ( magique ).

Les tiroirs du magicien débordent de tours qui lui ont semblé nouveaux et géniaux sur le moment. Achetés sur un coup de coeur, lors d'un congrès ou après une conférence... Quelques mois, quelques années plus tard, il ne se souvient plus exactement l'intérêt de ces achats... Je parle en connaissance de cause, car je suis passé par là, moi aussi.

Vous connaissez l'histoire du type qui entre chez un antiquaire et qui demande: " Quoi de neuf ? "

En magie, le "neuf" est très rare. Sous l'apparence du neuf se cache souvent un effet ancien ou un vieux principe qui séduira les nouveaux venus à la magie mais qui ne trompera pas les magiciens qui ont de l'expérience.

Une culture magique générale est donc un atout important pour apprécier les créations nouvelles et pour imaginer de nouvelles présentations ou de nouvelles méthodes.

La lecture d'ouvrages anciens et modernes, les conférences, la participation aux réunions de clubs magiques, l'étude des vidéos, les visites chez les marchands de trucs et dans les sites magiques sur internet sont de bons moyens pour acquérir les connaissances et l'expérience indispensables si l'on veut devenir un magicien digne de ce nom.

Un exercice intellectuel stimulant consiste à lire les publicités des marchands de trucs et à imaginer une solution pour chaque effet. A noter que la description des tours proposés à la vente est souvent très habile, le non-dit jouant un rôle important.

Il n'est pas impossible que la méthode que vous imaginerez sera supérieure à celle de l'auteur.

Aujourd'hui, je préfère acheter un livre plutôt qu'un tour. C'est à mon avis un investissement à long terme. Chaque fois que je reprendrai le livre, j'y redécouvrirai quelque chose d'intéressant. La lecture excite l'imagination, ce qui n'est pas le cas de la vidéo... qui incite au mimétisme ! En revanche les vidéos sont irremplaçables pour étudier une manipulation ou comprendre le timing d'une routine.

En conclusion, celui qui se prétend créateur devrait rester modeste. Il doit beaucoup à tous ceux qui l'ont précédé et qui ont établi les bases et les principes de cet art qui nous est cher. Au fil des siècles, chaque magicien a apporté sa pierre à l'édifice et je suis convaincu que les moyens de communication modernes amplifieront ce processus.

Le plus important est de ne jamais perdre sa capacité d'émerveillement. Devant un beau numéro de magie, j'oublie tout ce que je sais et je me laisse porter par le charme du spectacle.

Duraty


Je reproduis ci-dessous la réaction d'Ivan Laplaud, un internaute-magicien ( à moins que ce soit un magicien-internaute ). Ses remarques sont très intéressantes. Elles complètent mon article et renforcent mes convictions.

L’avis d’Ivan Laplaud

Bonjour,

J'ai lu sur votre site votre "chronique" concernant La création en Magie. Indépendamment des "Effets nouveaux", des "Méthodes nouvelles" et des "Nouveaux emballages" (qui sont des notions dont je partage tout à fait l'analyse que vous en faites), il me semble que l'on pourrait rajouter une quatrième distinction qui pourrait s'appeler :  "la pollution d'effets".

Je m'explique : souvent, que ce soit dans un magazine de presse magique ou dans un recueil de routines, le terme de "nouveauté" dont on estampille tel ou tel tour (pour la cartomagie en particulier), n'est ni plus ni moins qu'une routine connue, efficace, mais auquel le nouvel "auteur" prétend avoir apporté sa touche dans la présentation.

Et bien souvent, cette trouvaille se situera au niveau du rajout, l'idée consistant fréquemment par exemple à "mélanger" l'effet d'une routine avec l'effet d'une autre. Prenons un exemple classique : carte signée, qui remonte sur le jeu, qui disparaît pour se retrouver au final dans le portefeuille du magicien. La tentation peut être grande pour certains de mettre leur "touche personnelle" (?) à ce genre d'effet. Et c'est là que je veux en venir : le "créateur" fera avec cet effet initial (c'est toujours un exemple) changer le dos de la carte bleue en carte rouge, ou sortira la carte pour faire constater que toutes les autres cartes sont devenues des Jokers, ou que sais-je encore.

Bref, la nouveauté va consister ici à "compiler" deux effets pour, comme se l'imagine en tout cas le magicien, à la fois faire du neuf et renforcer l'effet. Je pense qu'un effet (surtout s'il s'est toujours historiquement révélé efficace devant un public) ne doit pas être "pollué" par un autre. Si l'effet existe tel qu'il est, il y a sûrement des raisons, qui tiennent à mon avis davantage à l'expérience qu'ont pu en tirer les magiciens depuis des années qu'à leur manque d'imagination.

Un effet annule l'autre : le scénario choisi ne gagnera pas à mon sens en pureté, et donc en effet magique. La "progression dramatique jusqu'au crescendo final" dont vous parlez aboutira dans ce cas à une confusion dans l'esprit des spectateurs. On dit que le mieux est l'ennemi du bien, et cette assertion est certainement aussi applicable à la magie. A trop vouloir montrer, démontrer (éblouir ?..), on rate sûrement quelque chose, et les spectateurs aussi.

Tout cela pour dire qu'une profusion d'effets au final (même s'ils ne sont que deux ou trois.) nuit à cette exigence de clarté qui (il me semble) doit prévaloir dans une routine bien construite, claire et facile à suivre. En d'autres termes, ceux qui ont l'idée de "mélanger" deux routines prétendent apporter une amélioration et un impact supplémentaire.

Cela me paraît être une erreur, le "plus" de ces créations ne constituant en rien une nouveauté et détruisant souvent par ce cumul l'effet magique qu'apportai, séparément, chacune des deux routines originales mises à contribution.

Voilà mon sentiment sur le sujet. 

Un mot également sur ce que vous écrivez. Mis à part la phrase "n'oublions jamais qu'en magie l'un des principaux ressorts du succès est l'effet de surprise" (assertion de bon sens, mais qu'il est toujours bon de rappeler), une phrase m'a frappé par son évidence, car elle est plutôt rarement formulée :

"les tours qui touchent le public sont ceux qui font appel à l'affectivité plutôt qu'à l'intelligence".

Sans doute certains magiciens le sentent-ils confusément, sans doute certains autres ne se sont-ils jamais posé le problème, mais ce précepte me semble vraiment très intéressant à plus d'un titre (sachez tout de suite que ce n'est pas seulement pour vous flatter ou vous faire plaisir.). Je ne voudrais pas "théoriser" sur la magie (bien que l'on y soit quelque fois amené malgré soi.), mais la distinction entre l'affectivité et l'intelligence devrait être l'un des principes de base à inculquer aux apprentis magiciens.

L'amateur (au sens de débutant) conçoit souvent la magie comme étant un problème posé aux spectateurs, dont lui seul possède le secret, c'est à dire la solution (voir les tours de type Tenyo, ingénieux certes, mais vendu comme des "trucs" au sens basique du terme, et donc utilisés comme tels.). Il n'y a qu'à lire l'intitulé de certaines publicités dont souvent le seul argument réside dans ces mots : "vous allez bluffer vos spectateur.", "le public n'y comprendra rien." ou (pire) "votre public se fera bien avoir.".

Même en close-up, à un niveau de technicité et de présentation plus avancé, l'attitude vis à vis de la magie peut quelquefois se reproduire de la même façon : le tour est montré comme un truc, une énigme, et l'impression ressentie est qu'il s'agit là d'un défi lancé à l'intelligence des spectateurs. Comment s'étonner alors de l'attitude du public qui, lui, se trouve ici pris en quelque sorte en "défaut de compréhension" au lieu d'être amené tout simplement à aimer la routine présentée ?..

Le succès sera peut-être au rendez-vous, mais pas celui pour lequel nous faisons de la magie...

Je préfère, et de loin, entendre "C'était un beau tour.", plutôt que "Mais comment fait-il ?.." ou "C'est drôlement bien fait : on ne voit pas le truc."

Le but est en effet comme vous le signalez de toucher le public (ce qui pourrait se décliner en autant de sentiments divers tels que l'étonnement, l'émotion, l'amusement, .).

Solliciter l'intelligence des spectateurs n'est pas le levier sur lequel s'appuyer pour faire naître un sentiment de magie. Non pas qu'il ne faille pas prendre en compte cette intelligence et traiter le public comme s'il s'agissait d'enfant de six ans : utiliser l'intelligence adulte avec ce qu'elle comporte "formatages" psychologiques divers", de réactions conditionnées peut au contraire être intéressant à exploiter.

Mais la magie ne doit pas être une "provocation" élaborée et soumise à l'intellect des spectateurs, mais plutôt un moment où on fait appel à ce qu'ils peuvent avoir de plus "naturel" en eux. Pour m'en persuader, je n'ai qu'à m'efforcer de me souvenir de ce qu'à pu faire naître en moi tel ou tel tour la première fois que je l'ai vu en tant que spectateur...

Je vous ai rencontré une fois (ou deux ?..) aux Amis de la Magie (P. Jacques) et je connais vos livres depuis des années : j'en apprécie toujours le contenu, et l'enthousiasme que vous mettez visiblement à les écrire.

Vous me pardonnerez d'avoir été un peu long : je vais laisser refroidir mon clavier.

Bien cordialement,

Ivan Laplaud



La créativité par Sylvain Mirouf ( 1994 ) 


Il est bien difficile de définir ce qu'est la créativité et comment faire pour la provoquer. En effet, personne ne peut prétendre créer mais tout le monde peut prétendre trouver. En ce qui concerne la magie, je n'ai pas de recette miracle. La première des choses étant néanmoins d'avoir envie de trouver et donc de chercher. Pouvoir trouver des techniques, des tours ou des effets est à la portée de tous mais encore faut il le vouloir.

Si vous décidez de trouver des tours, il va vous falloir prendre conscience de votre réceptivité sept jours sur sept. C'est à dire écouter, voir, sentir, toucher et goûter à tout. Aller au théatre, au cinéma, au musée, écouter de la musique, regarder la télé, la publicité, les dessins animés...Vous allez ainsi emmagasiner des informations diverses qui peuvent vous ouvrir des chemins de réflexion.

Ensuite il vous faut recouper ces informations dans tous les sens et y réfléchir pour découvrir un nouvel effet ou une variante d'un effet existant.

Enfin, n'hésitez pas à sortir les éléments de leur contexte. Ainsi vous pourrez avoir une vision parfois incohérente des choses auxquelles il vous faudra trouver une logique pour rendre crédible une construction paradoxale.

Une fois que vous êtes retombé sur vos pattes et que vous croyez avoir abouti votre tour, mettez vous dans la peau d'un autre magicien et imaginez comment vous pourriez améliorer le tour. Voyez si vous pouvez accroitre l'impact magique en simplifiant les mouvements, en ajoutant un effet ou bien en adaptant l'effet sur d'autres objets.

Et puis, test final, présentez votre tour à des enfants pour savoir à quelle catégorie appartient votre tour. Est-ce un tour tout public, est-ce un tour pour adulte, pour intello, pour femmes, pour magiciens ou pour aveugles.

Vous constaterez que, d'une manière générale, les meilleures idées sont celles qui démarrent sur l'envie de vouloir exprimer quelque chose. La modernité de notre société, la diversité du facteur humain, les idées futuristes de certains auteurs et les légendes de nos ancètres offrent une quantité impressionnante de voies de recherche. La magie qui n'a pas de sens peut décridibiliser notre art.

Voici à présent quelques trucs qui peuvent vous aider:


-1- La technique du tripotage

Elle consiste à prendre un objet avec lequel vous allez imaginer le plus de combinaisons possibles. Combinez le avec d'autres objets, gimmiks, matériaux, dessins ... . Vous finirez immanquablement par trouver quelque chose. Parfois vous n'aurez qu'un bout du tour et vous mettrez peut être plus d'un an à l'aboutir. Il faudra donc vous armer de patience.


-2- L'explication personnelle

Il s'agit de regarder des effets magiques et d'imaginer une solution pour leurs exécutions. Vous pouvez aussi lire les catalogues de marchands de trucs. Renseignez vous ensuite sur le trucage exact et comparez le au vôtre. Vous pourrez ainsi ouvrir de nouvelles solutions ou des perfectionnements sur l'effet traité.


-3- L'anticipation

Regardez des confrères travailler et anticipez sur ce qui va se passer. Si votre anticipation ne correspond pas à ce que vous voyez, vous obtenez une voix de recherche qui peut être très intéressante.


-4- La lecture imagée

Feuilletez un livre de magie en langue étrangère comportant des dessins. Les images vous donneront une idée du tour mais vous serez surpris de voir que parfois, le tour qui vous apparaît ne correspond en rien à celui décrit.


-5- Rentabiliser

Nous avons tous dans nos tiroirs au moins un truc franchement nul. Faites vous le pari d'en faire un tour intéressant en utilisant tout ou une partie des trucages, et des objets constituants le tour initial. Rien ne vous empêche d'ailleurs de faire cela avec les bons tours.


-6- Oublier

Oubliez ce que vous venez de lire et essayez d'exprimer ce qu'il y a en vous


Cette liste n'est pas exhaustive mais dans tous les cas vous pouvez découvrir une façon de penser tout à fait nouvelle et qui pourra s'étendre à d'autres secteurs d'activités que la magie.

N'oubliez cependant pas que sur plusieurs milliers de magiciens, il est inévitable de retrouver certaines choses déjà existantes et il serait stupide de croire que l'on soit seul à avoir trouvé un même tour. C'est pourquoi il faut constamment se tenir informé des nouveautés qui sortent sur le marché magique au même titre qu'il faut étudier tous les jours ce que nos confrères ont déjà publié. Mon grand père disait que celui qui ignore l'histoire ne peut que recréer l'histoire. C'est valable pour tout. A noter cependant que la créativité est d'autant plus stimulée dans les âges jeunes et qu'elle a tendance à décroître avec le temps si nous ne la stimulons pas régulièrement.

Mais pourquoi créer me direz vous? Après tout, le fait de perpétrer est tout aussi honorable. C'est vrai dans la mesure ou vous ne vous contentez pas de copier servilement le travail des autres. Il m'arrive de reprendre des effets qui ne m'appartiennent pas mais je fais toujours l'effort d'y apporter ma patte comme le font beaucoup de mes confrères. Lorsque nous achetons un tour, un livre ou une vidéo, notre travail s'exerce sur la pratique, certes, mais surtout sur notre présentation personnelle car en achetant un produit, nous n'achetons pas le talent de l'auteur. Nous devons digérer le tour et le faire notre en l'exprimant avec notre propre sensibilité. Il est vrai cependant que cela peut passer par une phase d'ímitation de certains artistes. A nous de ne pas être dupe et de prendre le chemin qui nous correspond.

Dans la créativité au sens large, il y a une notion de liberté indéniable, liberté qui est censée être la notion primordiale chez tout artiste. Si vous n'innovez pas au niveau tour, effet, comédie, présentation ou personnage, vous n'êtes pas un artiste magicien. Vous vous servez de la magie comme d'un divertissement intellectuel ou d'une thérapie ce qui est votre droit le plus strict si vous en avez conscience. Exercer un art, quel qui soit, pour rester dans le carcan existant est une façon de vous autocensurer et de créer des barrières aux émotions que vous pourriez faire partager. Votre conscience, quand à elle, ne sera jamais dupe des applaudissements volés qui ne s'adressent pas vraiment à vous. Gaëtan Bloom m'a dit il y a quelques années : " il faut servir la magie avant de se servir de la magie. "

Pour être créatif, il suffit de comprendre que nous sommes tous des récepteurs et des émetteurs vivants. La difficulté étant de pouvoir trouver les clés nous permettant de nous libérer des prisons dans lesquelles nous labyrintons.

Enfin, lorsqu'on sait que Marvin Minsky inventa l'intelligence artificielle en regardant des enfants jouer avec des cubes, que Newton compris la pesanteur en se concentrant sur une pomme et Galilée la Terre en fixant les étoiles alors nous sommes en droit de penser que la découverte n'est qu'une somme de déductions enfantines. Le génie est de les enchaîner sans crainte du ridicule. Ainsi pourrez vous goûter au plaisir de faire partager votre propre magie et apprendrez à respecter le travail des autres créatifs.


Merci à Ivan et à Sylvain pour leurs contributions. N'hésitez pas à me faire part de vos réactions et de vos critiques. L'échange des idées nous aidera tous à progresser....

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